20. Adieu au Massilia

Le Massilia s’en va. On a retiré les passerelles. La sirène a mugi trois fois. Le remorqueur a passé ses filins. Accoudés au bastingage, les passagers jettent un dernier regard sur les toits de Santos qu’écrase une lourde brume de Noroeste. Des mouchoirs s’agitent. Les câbles se tendent. La poupe s’écarte du quai.

Le navire tourne sa proue vers la sortie du chenal, bientôt le remorqueur va l’abandonner. Santos s’estompe dans la chaude buée qui cache les pentes escarpées de la Serra do Mar¹ derrière laquelle São Paulo étend ses tentacules.

Adieu, Massilia, qui nous amena au Brésil voici trente ans. Nous étions pleins d’illusions et nous faisions de beaux rêves d’avenir. Le Massilia n’est plus, nos illusions sont mortes. Mais le Brésil nous a saisis et gardés, étrange et beau pays, irritant et prenant comme une insupportable maîtresse trop aimée.
1. Formation montagneuse du sud et du sud-est brésilien.